Aux heures magiques des marées basses,
entre sa maison jaune au bord de la baie
et les portes turquoises de son atelier,
une dame s’amuse à compter ses 133 pas bien sonnés.
Quand la mer disparaît vers le large
laissant entrevoir ses trésors enfouis,
vous l’apercevrez tête baissée, curieuse de tout,
le long de la petite plage ensablée.
Un éléphant pourrait la croiser
que même son ombre ne saurait l’interpeler.
La dame est si dédiée à surprendre la beauté à ses pieds,
qu’elle en oublie même ses bottes de pluie.
Et que voilà encore ses souliers tout détrempés.
Vous verrez, vous la croiserez
autant aux aurores que sous la pluie,
qu’à minuit ou les soirs de pleine lune.
Tout est prétexte pour nourrir sa passion,
la découverte de la beauté du monde.
De ses poches pleines, très souvent percées,
elle sème la plage sans même s’en douter.
Dans son carnet aux pages écornées
vous la verrez dessiner et l’entendrez murmurer
le nom latin de cette algue fuchsia, la Main Palmée,
et s’émerveiller de cette larme de sirène bleue, une rareté.
Dès le premier jour de son arrivée sur cette plage,
loin de la ville dans le silence de la baie,
la dame chuchotait qu’elle découvrait des oeuvres d’art.
Qu’elle en arrivait enfin à goûter à un brin d’éternité
sur ce petit archipel aux frontières ensablées.
Marée après marée, dix ans ont bien vite passé.
La dame connait désormais chaque galet et chaque plante de rivage.
Toujours tellement enjouée
le long de sa petite plage ensablée,
que souvent, au-delà de ses 133 pas bien sonnés,
elle en arrive même à oublier son atelier.
L’entendez-vous au loin ?
Cela la fait rire.
Elle revient sur ses pas
Et cela fait sa journée.
*Crédit photo : Maude Jomphe